20 octobre 2017
Pôle d'échanges de Carpentras © Communauté d’agglomération Ventoux Comtat Venaissin
Pôle d'échanges de Carpentras © Communauté d’agglomération Ventoux Comtat Venaissin
Le Cerema a publié en octobre 2017 l'ouvrage « Les pôles d’échanges au service de l’intermodalité et de la ville durable » qui propose un état des connaissances scientifique, méthodologique et technique du sujet.
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Actualité de l'Equipe projet de recherche MATRiS : Mobilités, Aménagement, Transports, Risques et Société
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Cet ouvrage s’appuie sur une connaissance approfondie du Cerema des pratiques locales ainsi que sur un dialogue nourri et régulier avec les acteurs des pôles d’échanges. Il s’adresse à l’ensemble des acteurs qui interviennent dans la vie d’un pôle d’échanges et à ceux qui concourent à la conception et la mise en œuvre d’un projet d’intermodalité sur un territoire.

 

Cet ouvrage intitulé "Les pôles d’échanges au service de l’intermodalité et de la ville durable" propose une lecture organisée des différentes facettes d’un projet de pôle d’échange ainsi que des recommandations pour l’action. Ces éléments sont organisés autour de repères sur la réalité de la mobilité au sein des pôles d’échanges et des enjeux auxquels ils sont confrontés. Ils mettent en exergue des stratégies territoriales et des intérêts à agir sur ces objets ainsi que la gouvernance et la conduite de projet qui en découlent. Enfin, ils proposent des repères en termes de dimensionnement, avant de revenir sur les conditions propices à des usages, à une gestion et à une évolution durables des pôles d’échanges.

 

Pôle d'échanges du métro Poterie à Rennes ©Cerema
Pôle d'échanges du métro Poterie à Rennes ©Cerema

Le défi de l’unité

Un pôle d’échanges est un lieu aménagé de manière à améliorer l’intermodalité. L’expression désigne un dispositif spatial qui vise à rapprocher physiquement des modes de transport pour favoriser leur (inter)connexion ou, quand le rapprochement physique est impossible, à aménager les transferts pour les rendre plus lisibles et intuitifs. Les pôles d’échanges sont donc des outils de l’intermodalité, au même titre que l’information multimodale, la tarification, la coordination de l’offre de transport à l’échelle d’un réseau. Le pôle d’échanges est avant tout le résultat d’un aménagement, d’une intervention délibérée sur l’espace physique dans lequel doivent s’organiser les correspondances.

Les pôles d’échanges sont peu à peu entrés dans le langage courant des politiques publiques. Si au tout début des années 2000 la documentation sur les pôles d’échanges renvoyait souvent à une petite dizaine de cas emblématiques2, en quelques années, l’évolution des réseaux de transports urbains, l’essor des PDU et des politiques d’intermodalité ont conduit à la démultiplication des expériences et des projets. D’une part, sur le plan « intensif », les grands pôles d’échanges se sont imposés dans les agendas politiques parce qu’ils concentrent des enjeux métropolitains majeurs et parce qu’ils sont les témoins principaux des évolutions des réseaux, des pratiques de mobilité et des logiques de renouvellement urbain. L’exemple des réaménagements des grandes gares françaises (Paris Gare du Nord, Paris Saint-Lazare, Lyon Part-Dieu, Lille Flandres / Lille Europe, Rennes, Bordeaux…) témoigne de ce mouvement. D’autre part, sur le plan « extensif », la notion de pôle d’échanges s’est largement diffusée dans les territoires, dans les documents de planification comme dans les réalisations concrètes, notamment autour des gares centrales des villes moyennes ou des petites villes. Mais parce qu’ils sont par essence des objets à forte vocation partenariale, les projets de pôles d’échanges souffrent toujours d’un morcellement des interventions et de la fragmentation de l’action publique en matière de transport, de mobilité, d’aménagement.

Comment faire émerger une vision globale de l’objet pôle d’échanges au-delà de l’éclatement généré par l’hétérogénéité des réseaux qui s’y rencontrent, des différentes stratégies ou des logiques d’action en présence ?

D’un point de vue théorique aux préoccupations les plus pratiques, la question de l’unité du pôle d’échanges se pose ainsi sous de multiples facettes :

  1. L’unité en soi de l’objet « pôle d’échanges » ne relève pas de l’évidence : « gare », « gare routière », « parc-relais », « vélostation », « aire de covoiturage »… désignent autant de « modules » nécessaires à l’intermodalité, que l’expression de pôle d’échanges ne parvient pas à homogénéiser ;
  2. L’unité de projet dépend du croisement de stratégies territoriales, d’une convergence d’enjeux et d’objectifs à un moment donné. Même si les intérêts à agir peuvent être très diversifiés, l’essence même d’un pôle d’échanges est fondée sur la convergence de politiques publiques afin de définir un projet intermodal commun ;
  3. L’unité d’action concerne la conduite des projets de pôles d’échanges. Il faut d’abord définir en partenariat une approche coordonnée, puis maintenir la cohérence des choix d’aménagements par une gouvernance adaptée, depuis les études préalables jusqu’à la mise en service ;
  4. L’unité de lieu pose la question du dimensionnement des espaces et de la morphologie des pôles d’échanges. La place à accorder à chacun des modes et des équipements qui les accompagnent doit s’apprécier dans une composition d’ensemble du site, cohérente dans l’espace et dans le temps ;
  5. L’unité de gestion des pôles d’échanges porte sur la capacité à assurer un bon fonctionnement général des lieux d’intermodalité. Leur fonctionnement quotidien est souvent mis à l’épreuve par la diversité des partenaires, des usages, des temporalités de fonctionnement, des attentes et des capacités individuelles, etc.

Ces cinq axes de lecture de l’unité d’objet, de projet, d’action, de lieu et de gestion guident cette contribution sur les pôles d’échanges et permettent d’organiser les cinq parties de cet ouvrage. Ces parties sont composées d’un nombre limité de rubriques. Chacune d’elles aborde une problématique spécifique, avec un court développement suivi de recommandations à destination des acteurs potentiels des pôles d’échanges. Elles sont accompagnées de références bibliographiques permettant d’approfondir la réflexion et d’une figure commentée sur un exemple illustrant la rubrique. En dépit de ce canevas commun, ces rubriques présentent néanmoins une certaine hétérogénéité. Elles traitent en effet de connaissances diversement stabilisées, d’expériences offrant pour certaines un minimum de recul ou de sujets parfois davantage prospectifs. Le choix a été fait de mettre en avant cette diversité des points de vue.

Travaux du pôle d'échanges de Chambéry ©Cerema
Travaux du pôle d'échanges de Chambéry ©Cerema

 

Un nouveau rendez-vous avec l’espace public

Les pôles d’échanges sont, par essence, des lieux réceptacles d’innovations et de ce fait en perpétuelle évolution. L’essor des transports collectifs en site propre mis en service depuis le début des années 2000, le déploiement des systèmes de vélos en libre-service au cours de la dernière décennie ou bien plus récemment l’émergence des systèmes de covoiturage ou les liaisons interurbaines par cars, tous ces changements sont venus démultiplier les possibilités offertes aux usagers, en ajoutant par la même occasion des contraintes supplémentaires aux concepteurs et gestionnaires des pôles d’échanges.

Face à un objet en mouvement et dont les fonctionnalités s’accroissent, l’exigence d’une vision globale et cohérente est d’autant plus cruciale :

  • L’unité de l’objet ne renvoie pas uniquement à la coexistence de différentes composantes élémentaires (le parc-relais, la gare routière, l’éventuelle vélostation, etc.), mais bien à la capacité des politiques publiques à formuler une conception cohérente, par-delà les échelles territoriales, des pôles d’échanges ;
  • L’unité de projet, pour sa part, ne peut se construire que dans le temps, à travers la mise en synergie d’institutions qui, si elles ne partagent pas les mêmes objectifs, se retrouvent autour d’intérêts communs ;
  • L’unité d’action dans la conduite des projets tient souvent à la qualité de la gouvernance partenariale. Celle-ci se nourrit souvent d’étapes formalisant les engagements mutuels (protocoles, conventions, contrats divers…), mais elle ne s’y résume pas. Le périmètre du partenariat ou encore les modalités d’organisation des maîtrises d’ouvrage, s’ils obéissent à quelques règles importantes, impliquent à chaque fois de trouver la formule la mieux adaptée au contexte local ;
  • L’unité de lieu renvoie à la composition d’ensemble et au dimensionnement des espaces, et à la nécessité de concilier à la fois l’héritage du lieu, les contraintes présentes, les évolutions à anticiper mais aussi l’affirmation de choix d’aménagements pour les dix à vingt ans à venir. Cette unité de lieu renvoie aussi à la manière dont les populations, usagers, riverains, utilisateurs divers, perçoivent et pratiquent cet équipement. Favoriser l’appropriation de ces objets reste encore un défi pour la puissance publique ;
  • L’unité de gestion, enfin, est essentielle pour assurer le fonctionnement du pôle d’échanges. Faute de solution unique ou de méthode à toute épreuve pour réguler le « quotidien » de l’intermodalité, pour déceler et résoudre les dysfonctionnements en restant attentif aux évolutions des usages, formuler collectivement une exigence en la matière est déjà un premier pas qui se révèle essentiel.

 

Une évolution importante de ces dernières années tient sans doute à l’intérêt renouvelé que l’on porte à la marche dans les lieux d’intermodalité. Avoir le souci du piéton, de ses cheminements et de ses contraintes, est aussi le moyen d’agir au mieux pour l’insertion urbaine des pôles d’échanges. En restant en contact permanent avec son environnement urbain, le marcheur redéfinit l’échelle d’usage des pôles d’intermodalité, qui ne peuvent plus se contenter de mettre en relation l’espace distant sans communiquer davantage avec l’espace proche. Plus largement, si l’on ne peut effacer leur dimension technique congénitale (faire converger les différents réseaux), les conceptions actuelles des pôles d’échanges marquent un tournant vers une dimension urbaine plus affirmée. Les pôles d’échanges sont aujourd’hui, davantage qu’hier, envisagés comme de véritables centralités urbaines, comme d’importants rendez-vous avec l’espace public, ce qui encourage des compétences et des métiers nouveaux. En titrant "Les places du Grand Paris" pour parler des pôles d’échanges, la publication de la Société du Grand Paris opère un glissement sémantique qui témoigne symboliquement du nouveau rôle de l’intermodalité. Ces lieux où l’on a cherché à rendre efficaces le passage et la correspondance deviennent aussi des lieux où l’on cherche à rendre attractif l’arrêt, où l’on affirme le primat de la relation sociale et de l’espace public sur celui de la circulation.

 

Pôle d'échanges de la gare Rosa Parks à Paris ©Cerema
Pôle d'échanges de la gare Rosa Parks à Paris ©Cerema

 

Référence

RICHER C., BENTAYOU G., DEPIGNY B. (2017), Les pôles d’échanges multimodaux au service de l’intermodalité et de la ville durable, Lyon, Editions du Cerema, Collection Référence, 112 p.  ISBN 978-2-37180-216-2 https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/poles-echanges-au-service-intermodalite-ville-durable

 

Dans le dossier Gares et pôles d’échanges multimodaux : un centre de ressources sur les lieux de l’intermodalité

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