22 décembre 2016
SEMOP Collaboration entre entreprises et collectivités
Le mouvement d’innovations urbaines, qui émerge sous le terme de ville intelligente, justifie bien souvent de mobiliser les capacités d’innovation du privé pour satisfaire des besoins d’intérêt général. Un nouveau dispositif juridique vise à créer des co-entreprises entre collectivités territoriales et entreprises : la Société d’Economie Mixte à Opération unique (SEMOP).

Le recours de la puissance publique au secteur privé pour le développement d’infrastructures urbaines remonterait, d’après Xavier Bezançon, à la plus haute antiquité. Pour mieux mobiliser les capacités d’innovation du privé pour satisfaire des besoins d’intérêt général, un nouveau dispositif juridique vise à créer des co-entreprises entre collectivités territoriales et entreprises : la Société d’Economie Mixte à Opération unique (SEMOP).

Plus loin que le Partenariat Public-Privé Institutionnalisé

On connaissait les Partenariats Publics Privés Institutionnalisés, les PPPI. Si le PPPI restait confiné dans une logique contractuelle, la SEMOP franchit une étape supplémentaire dans la relation. Il s’agit de constituer une co-entreprise avec deux actionnaires : un acteur public et un « opérateur économique » créent ensemble une société anonyme pour la réalisation d’un projet particulier.

Références juridiques :
La loi du 1er juillet 2014 crée un nouveau statut de société d’économie mixte à opération unique (SEMOP) et insère à cet effet de nouveaux articles L.1541-1 à L.1541-3 dans le Code général des collectivités territoriales.

Une société à objet unique

La Société d’Economie Mixte à Opération Unique (SEMOP) est une structure commerciale, comme il en existe d’autres : la société d’économie mixte locale (SEML) ou la Société Publique Locale (SPL) pour citer les plus courantes parmi les 1189 entreprises publiques locales recensées par la Fédération des Entreprises Publiques Locales.
Une première différence avec ses ainées : l’objet de la SEMOP sera unique. Pour autant, son champ d’intervention est très large :

  1. La réalisation d’une opération de construction, de développement du logement ou d’aménagement.
  2. La gestion d’un service public, y compris la construction des ouvrages ou l’acquisition des biens nécessaires au service.
  3. Toute autre opération d’intérêt général relevant de la compétence de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales (art L. 1541-1 du code général des collectivités territoriales).

Une société limitée dans le temps

La SEMOP se distingue par son actionnariat. Si la SEML classique nécessite au moins sept actionnaires, la SEMOP en comprend a minima deux, l’un public, l’autre « privé ». Elle est constituée pour une durée limitée, et uniquement pour la conclusion et l’exécution d’un contrat concernant une opération d’intérêt général. 

La collectivité territoriale (ou le groupement de collectivités territoriales) peut dans le même temps sélectionner les futurs actionnaires de la SEMOP et attribuer le contrat à cette nouvelle société.

Un seuil de capitalisation variable selon l’objet :

Le seuil minimal de capitalisation est de : 37.000 euros pour les SEMOP de services ; 150.000 pour les SEMOP d’aménagement ; 225.000 euros pour les SEMOP de construction.

Une société qui n’est pas soumise au Code des marchés publics

Au contraire d’une SEML, l’actionnaire public d’une SEMOP peut être minoritaire puisque l’opérateur privé peut détenir jusqu’à 66 % du capital. La part des actionnaires privés ne peut être inférieure à 15% et la collectivité détiendra entre 34 et 85% du capital.

Avec un partenaire privé actionnaire majoritaire, la SEMOP ne sera pas soumise au code des marchés publics. En effet, dans ces conditions, la SEMOP pourra ne pas être qualifiée de «  pouvoir adjudicateur  » et ne sera alors pas soumise au code des marchés publics : elle pourra donc contractualiser librement avec des tiers ou encore avec des filiales de son actionnaire privé. C’est sans doute la disposition la plus innovante de la SEMOP. Elle devrait intéresser les partenaires privés mais suscite quelques réticences (voir « ils/elles ont dit »)
Pour autant, la collectivité garde une minorité de blocage même si sa part dans l’actionnariat est minoritaire. La présidence du conseil d’administration ou du conseil de surveillance est de droit confiée à un élu. Cette disposition suffira-t-elle à rassurer les détracteurs de la SEMOP ?

Les étapes de sa mise en œuvre

La collectivité rédige un document de préfiguration de la société comprenant la part de capital qu’elle souhaite conserver, les règles de gouvernance, et le coût prévisionnel global de l’opération et sa décomposition. Elle lance, une fois son besoin défini, un appel d’offre afin dans le même temps de sélectionner les futurs actionnaires de la SEMOP et d’attribuer le contrat à cette SEMOP. Le contrat attribué à la SEMOP pourra être une délégation de service public, un marché public, une concession de travaux publics ou encore une concession d’aménagement.

Ils/ elles ont dit (Communiqué de presse de la Fédération des EPL du 9 juin 2014) :

« Dans les SEMOP chacun joue sa partition : les collectivités fixent le cap et maitrisent le cours des opérations, et les opérateurs privés apportent leur expertise et capacité d’innovation » Jean-léonce Dupont, Président de la Fédération des EPL et vice-président UDI au Sénat, à l’origine de cette initiative parlementaire.

« Les SEMOP ont une vraie valeur ajoutée pour les collectivités car la gestion en régie est difficile à assumer pour certaines projets et des expériences passées en partenariat public-privé ont suscité des critiques aussi nombreuses que légitimes. La réalisation de projets complexes, en particulier ceux relatifs aux nouvelles technologies, à l’environnement ou à l’énergie, suppose l’existence d’outils bénéficiant du savoir-faire du secteur privé tout en assurant une maitrise forte et un réel contrôle démocratique des conditions de financement des services publics ». Erwann Binet, Député socialiste de l’Isère et rapporteur du texte à l’assemblée nationale.

« C’est une procédure qui n’est pas vertueuse et qui induit pour tout le monde des conflits d’intérêts potentiels. Le partenaire privé, qui sera actionnaire de la Semop, sera juge et partie, puisqu’il réalise en réalité les travaux. Si ça se passe mal, s’il y a contentieux, on ne voit pas comment la collectivité locale pourra faire valoir l’intérêt général. » Catherine Jacquot, Présidente de l’ordre des architectes, interrogée par les journalistes de France Culture (7 mai 2014 à 18h15 France Culture).

Conclusion :

Ce nouveau dispositif, d’usage courant en Espagne, Italie, Allemagne, Finlande, est, encore une fois, inspiré du droit communautaire.
Il pourrait faciliter la mise en œuvre d’innovations et, de ce fait, être bien adapté à la ville intelligente : les futurs smart grid mais aussi la gestion de l’eau, des déchets ou des transports publics. En mars 2015, une douzaine de SEMOP seraient en cours de constitution en France. Le moment venu il sera utile de dresser un bilan sur les opérations mises en œuvre, les avantages de ce type de société et les premières difficultés rencontrées.

(Première publication dans la Revue des Ingénieurs des Mines, mars/avril 2015, n°478).

Contact

Marie Laure PAPAIX - Cerema Territoires et Ville